Une sténose pour le moins inhabituelle

27 avril 2015

Une sténose pour le moins inhabituelle

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Une patiente de 50 ans d’origine vietnamienne, connue pour hypertension bien contrôlée, se présente à l’urgence pour pyélonéphrite droite. Suite à une réhydratation intensive, elle a développé un oedème aigu du poumon associé à une poussée d’hypertension très sévère. Le traitement approprié corrige rapidement la situation.

L’examen physique montre alors une surcharge pulmonaire, ainsi que des pouls périphériques aux membres inférieurs diminués associés à un B4 cardiaque, mais pas de souffle carotidien, ni abdominal. Par contre, la patiente ne se plaint pas de claudication intermittente. L’examen vasculaire cervical et des membres supérieurs est normal. Dans le contexte, une échographie cardiaque est pratiquée. Cet examen montre une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique sévère, fraction d’éjection du ventricule gauche normale à 65% et dysfonction diastolique modérée. Les valves sont normales.

Cette patiente a comme antécédent une hypertension bien contrôlée, mais ceci n’a pas toujours été le cas. En effet, son hypertension est subitement devenue très difficile à contrôler il y a 3 ans. L’investigation à cette époque montrait des reins asymétriques (9.8 cm à gauche et 11.8 cm à droite) soulevant la possibilité d’une sténose de l’artère rénale gauche. En effet, une angiographie avait ensuite montré une sténose ostiale de l’artère rénale gauche comprenant une plaque irrégulière et partiellement ulcérée de 0.5 cm obstruant 85% de la lumière de l’artère rénale gauche. Une angioplastie avec pose d’un stent avait alors été faite avec succès. Sur cet examen, l’aorte montrait une athéromatose modérée avec quelques calcifications pariétales. La fonction rénale de cette patiente a toujours été normale.

Étant donné la présentation clinique de la patiente, une investigation pour suspicion de sténose des artères rénales a été entreprise. Premièrement, une échographie rénale montre toujours l’asymétrie rénale au dépend du rein gauche qui est stable (Figures 1 et 2). Une scintigraphie rénale standard montre une fonction rénale normale, mais une asymétrie au dépend du rein gauche qui est assez frustre. Il n’y a pas de signe de sténose des artères rénales sur cet examen (Figure 3). Un angio-scan a alors été fait. L’examen sans injection montre une calcification très étendue de l’aorte thoracique (Figures 4 et 5) et abdominale (Figure 6), ou on peut voir l’endoprothèse dans l’artère rénale gauche. Cette atteinte athéromateuse s’exprime surtout par des calcifications pratiquement concentriques. Ceci provoque un rétrécissement du calibre de l’aorte, surtout juste au-dessus de l’hiatus diaphragmatique (Figures 7 et 8). La lumière résiduelle à cet endroit est infra centimétrique. Cette trouvaille a été confirmée au scan injecté (figure 9), qui montre aussi des artères rénales normales bilatérales, mais une sténose modérée de l’artère mésentérique supérieure.

Afin de compléter le bilan, la patiente a subi un doppler artériel des membres inférieurs qui montre une démodulation des ondes fémorales bilatéralement avec un gradient de 74mmHg entre la pression de la cuisse et la pression brachiale témoignant de la sténose de l’aorte thoracique distale. Le reste de l’examen ne montrait pas d’atteinte infra-inguinale surajoutée. Les index tibio-humérales étaient de 0.45 à droite et 0.47 à gauche.

Finalement, aux laboratoires : le calcémie a toujours été normale, PTH normale, électrophorèse de protéine sérique tout à fait normale. Protéine C-réactive normale il y a 3 ans, élevé à 44 lors de sa pyélonéphrite puis retour à la normale quelques semaines plus tard, ce qui est tout à fait parallèle aux résultats de la vitesse de sédimentation.

Quel est votre diagnostic?

Les diagnostics possibles sont les suivants :

Concernant la sténose de l’aorte thoracique distale :

  • Athéromatose simple mais très sévère avec calcification extraordinaire focalisée sur l’aorte.
  • Artérite de Takayasu ancien, apparemment inactif actuellement, mais dont on voit les conséquences (le plus probable). Ce qui est atypique pour un Takayasu: le degré de calcification et l’absence de composante anévrismale.

Étant donné que la patiente n’est apparemment pas symptomatique, il n’y a pas eu de biopsie endovasculaire. Par contre un écho-doppler des artères carotides et sous-clavières aurait pu être fait pour mesurer l’épaisseur de la paroi. Si elle est normale, ceci serait un argument allant à l’encontre du diagnostique de Takayasu.

Concernant l’œdème aigu du poumon :

  • Poussée hypertensive sur une récidive de la sténose de l’artère rénale gauche (écartée au bilan).
  • Sur la dysfonction diastolique suite la réplétion volémique.

Concernant le fait que la patiente est asymptomatique de son état, notamment pas d’insuffisance rénale, pas de signe de sténoses bilatérales des artères rénales et pas de claudication intermittente :

  • Collatéralisation de novo (qui n’a pas été mise en évidence à l’angio-scan).
  • Vascularisation collatérale provenant des artères sous-costales (le plus probable).

Options thérapeutiques

L’HTA de la patiente a très bien répondu au traitement médical. Un inhibiteur de l’enzyme de conversion a pu être introduit à haute dose sans engendrer de baisse de la fonction rénale qui est demeurée normale et stable. Sa pression artérielle est demeurée facile à contrôler avec 3 médicaments

Une angioplastie percutanée de la sténose de l’aorte thoracique (Figures 7 et 8) a été envisagée, mais étant donné que la patiente est totalement asymptomatique de cet état il a été décidé d’observer la patiente mais de la revoir de façon rapprochée à la clinique externe.

Au suivi, une corticothérapie sera envisagée si la patiente devient inflammatoire sans autres explications. Aussi, un stent aortique sera envisagé si une nouvelle chute de l’index tibio-humérale se produit, surtout en présence de symptômes.

Figure 1
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Figure 2
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Figure 3
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Figure 4
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Figure 5
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Figure 6
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Figure 7
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Figure 8
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Figure 9
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