Une poussée hypertensive qui empêche d’y voir clair

19 février 2020

Une poussée hypertensive qui empêche d’y voir clair

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Cas clinique

Un homme de 63 ans, droitier, d’origine haïtienne est amené à l’urgence pour suspicion d’AVC aigu. Il est connu pour hypertension, dyslipidémie et diabète de type 2. Il ne consomme pas de drogue.

Il aurait développé subitement, alors qu’il était en voiture, une céphalée intense et un problème visuel. Lors de son évaluation initiale, le patient présente une légère confusion, une aphasie réceptive, un regard préférentiel vers la gauche, une hémianopsie homonyme droite et une extinction sensitive droite. Sa tension artérielle de 202/114 mmHg est réfractaire à deux antihypertenseurs intraveineux. Son scan cérébral ne présente pas d’anomalie aiguë, mais l’angioscan démontre une irrégularité de calibre d’un segment M3 de l’artère cérébrale moyenne en postérieur gauche. Il n’a pas eu de traitement de reperfusion dans le contexte d’hypertension réfractaire et compte tenu du doute diagnostic.

Le patient s’améliore spontanément plusieurs heures après correction de sa tension artérielle. La résonnance magnétique du lendemain ne présente qu’un foyer punctiforme de restriction de la diffusion en pariétal gauche.

  1. Quels sont les critères diagnostiques et la prise en charge d’un patient avec PRES
  2. Quelles sont les caractéristiques communes au RCVS et au PRES
  3. Quels sont les mécanismes physiopathologiques suspectés en PRES dans un contexte de poussée hypertensive

Ariane Veilleux - Figure 1
Figure 1. Angioscan cérébral du patient avec irrégularité de calibre au sein d’un segment M3 de l’artère cérébrale moyenne gauche

  • Quels sont les critères diagnostiques et la prise en charge d’un patient avec PRES

Il n’existe pas de critères validés pour émettre le diagnostic de PRES (Posterior Reversible Encephalopathy Syndrome). Ce syndrome clinique est caractérisé par la présence de céphalée modérée à sévère, d’encéphalopathie, d’atteinte visuelle (hémianopsie, négligence visuelle, cécité corticale) et/ou de convulsion. Un déficit neurologique focal serait présent chez 10 à 15% des patients[1].  Le diagnostic devrait être évoqué lors de la présence d’un de ces signes chez un patient avec une étiologie possiblement associée (par ex. hypertension ou fluctuation importante de la tension artérielle, immunosuppression, éclampsie, maladie autoimmune) et une imagerie cérébrale compatible.

La modalité d’imagerie de choix est la résonnance magnétique afin d’identifier l’œdème vasogénique. Classiquement, on retrouve 3 distributions plus typiques d’œdème; en pariéto-occipital, de manière holohémisphèrique au sein des zones de derniers prés (watershed) et au niveau du sillon frontal supérieur. Des phénomènes ischémiques ou hémorragiques peuvent être également présents. Par contre, une imagerie normale n’exclurait pas le diagnostic de PRES. Les diagnostics alternatifs considérés doivent être éliminés selon la situation clinique (encéphalite infectieuse ou autoimmune/paranéoplasique, vasculite du SNC, ADEM, PML, etc.).

La prise en charge consiste en l’élimination de l’agent causal, une diminution de la tension artérielle (25% de diminution dans les premières heures) et une couverture antiépileptique à court terme en cas de convulsion. Chez 75-90% des patients, une récupération complète est attendue en 2 à 8 jours.

 

  • Quelles sont les caractéristiques communes au RCVS et au PRES

Le PRES et le RCVS (Reversible Cerebral Vasoconstriction Syndrome) sont deux entités qui ont plusieurs points communs clinicoradiologiques et qui sont possiblement le continuum d’un même syndrome. Elles partagent notamment plusieurs étiologies présumées dont l’hypertension, la prise de certains immunosuppresseurs (cyclosporine, tacrolimus), des maladies auto-immunes, un état septique et autres[2] (Figure 2).

Des mécanismes physiopathologiques sous-jacents communs sont suspectés notamment parce que des phénomènes vasoconstrictifs ont été décrits dans les cas de PRES. Une étude a démontré des imageries vasculaires compatibles avec de la vasoconstriction chez 40 de 46 patients (87%) ayant présenté un PRES [3]. Inversement, l’œdème cérébral vasogénique serait présent chez 8 à 38% des cas de RCVS [2].

Ariane Veilleux - Figure 2
Figure 2. Étiologies potentielles en RCVS et PRES

  • Quels sont les mécanismes physiopathologiques suspectés en PRES dans un contexte de poussée hypertensive

En contexte hypertensif, le mécanisme principal suspecté est la perte de l’autorégulation cérébrale.  L’autorégulation permet d’assurer un débit sanguin stable au sein du cerveau malgré des fluctuations de pression systémique. Plusieurs mécanismes semblent intervenir dans l’autorégulation dont des mécanismes neurogéniques intrinsèques médiés par le système nerveux autonome. Lors d’une augmentation marquée de la tension artérielle, ces mécanismes deviennent déficients et occasionnent une hyperperfusion cérébrale[1, 4]. Cette hyperperfusion cause un bris de l’endothélium et un œdème vasogénique secondaire qu’on peut identifier à la résonnance magnétique. L’atteinte topographique du PRES est classiquement plus postérieure et cela s’expliquerait par une diminution relative de l’innervation sympathique du territoire vertébrobasilaire par rapport à la circulation antérieure[1].

 

Il existe par contre certaines controverses entourant ce mécanisme présumé étant donné que 15-20% des patients avec PRES sont normotendus. Une des autres hypothèses serait que l’hypertension (ou d’autres déclencheurs) engendrerait une vasoconstriction cérébrale qui elle causerait de l’hypoperfusion cérébrale puis le développement d’une perméabilité vasculaire accrue secondairement. Un élément en faveur de cette hypothèse serait l’hypoperfusion notée aux imageries perfusionnelles de cas de PRES[4].

 

 

Retour sur le cas

Chez ce patient, une ponction lombaire a été effectuée et s’est avérée dans les limites de la normale outre une protéinorachis modérée. Un CT-scan avec imagerie de perfusion fait le lendemain a démontré un retard perfusionnel en pariéto-occipital gauche et une possible sténose à la jonction P1-P2 de l’artère cérébrale postérieure gauche.

Le diagnostic retenu chez ce patient est un probable PRES, quoiqu’il soit difficile de statuer compte tenu de l’absence d’œdème vasogénique. Le patient s’est présenté avec une atteinte visuelle, des déficits neuro focaux et une céphalée importante dans le contexte d’une poussée hypertensive. Les déficits se sont résolus en moins de 24h avec la correction de la tension artérielle. L’imagerie vasculaire évoquait de possibles changements de calibre au sein des artères cérébrales moyennes et postérieures plus distalement avec une possible hypoperfusion en territoire pariéto-occipital gauche. Cela appuie l’hypothèse de phénomènes vasoconstrictifs causant une hypoperfusion cérébrale en cas de PRES et il serait à supposer que, sans la correction de son hypertension, un œdème cérébral aurait pu se développer.

En conclusion, le PRES est une entité partageant plusieurs points communs avec le RCVS. Bien qu’il s’agisse d’un syndrome clinicoradiologique, il peut être évoqué même en cas d’imagerie normale.

Merci à Dr Grégory Jacquin, neurologue vasculaire au Centre Hospitalier de l’Université de Montréal.

Références

1.         Fugate, J.E. and A.A. Rabinstein, Posterior reversible encephalopathy syndrome: clinical and radiological manifestations, pathophysiology, and outstanding questions. Lancet Neurol, 2015. 14(9): p. 914-925.

2.         Ducros, A., Reversible cerebral vasoconstriction syndrome. Lancet Neurol, 2012. 11(10): p. 906-17.

3.         Bartynski, W.S. and J.F. Boardman, Catheter angiography, MR angiography, and MR perfusion in posterior reversible encephalopathy syndrome. AJNR Am J Neuroradiol, 2008. 29(3): p. 447-55.

4.         Bartynski, W.S., Posterior reversible encephalopathy syndrome, part 2: controversies surrounding pathophysiology of vasogenic edema. AJNR Am J Neuroradiol, 2008. 29(6): p. 1043-9.