Un mal de tête qui peut mal tourner…

25 avril 2015

Un mal de tête qui peut mal tourner…

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Une patiente de 62 ans, sans antécédents connus, a été traitée 4 jours plus tôt pour un infarctus sylvien droit (hémiplégie gauche, héminégligence gauche et NIHSS=15). L’angio-TDM cervico-encéphalique démontrait une occlusion proximale de l’artère cérébrale moyenne droite ainsi qu’une sténose sévère à l’origine de l’artère carotide interne droite évaluée aux alentours de 95%. Dans ce contexte le traitement a consisté en une thrombolyse IV suivi d’une thrombectomie mécanique couplée à une angioplastie/stenting de l’artère carotide interne droite. L’évolution clinique a été extrêmement favorable dans les jours suivants (NIHSS=3). 48 heures après, la patiente est libérée des soins intensifs neurologiques et elle est capable de déambuler sans aide dans les corridors de l’unité d’AVC. L’IRM cérébrale démontre un foyer ischémique aigu sous-cortical droit de taille modérée sans aucune évidence de transformation hémorragique. Un contrôle d’écho-doppler cervical démontre la présence d’un stent perméable sans évidence de sténose résiduelle à l’origine de l’artère carotide interne droite. Le traitement instauré consiste en de l’ASA 80 mg DIE et du clopidogrel 75 mg DIE comme régime antithrombotique en raison du stent carotidien, en plus de l’héparine sous-cutanée 5000 unités BID. Même si la tension artérielle de la patiente était dans les valeurs normales, du périndopril 4 mg a été introduit ainsi que de l’atorvastatine 80 mg DIE.

En soirée du jour 4 post-AVC, la patiente se plaint de céphalées hémicrânienne droite d’intensité modérée. Son infirmière lui donne de l’acétaminophène pour la soulager et elle constate que sa tension artérielle est élevée aux alentours de 160/90 mm de Hg . La patiente continue à se détériorer progressivement dans les heures qui suivent avec aggravation du déficit moteur gauche, mydriase droite et coma. La TDM cérébrale démontre une hémorragie massive hémisphérique droite avec rupture intraventriculaire. Finalement, la patiente évolue vers la mort cérébrale et les dons d’organe.

Figure 1 : Hémorragie intra-parenchymateuse hémisphère droite massive avec hémorragie intra-ventriculaire et hydrocéphalie secondaire
Figure 1 : Hémorragie intra-parenchymateuse hémisphère droite massive avec hémorragie intra-ventriculaire et hydrocéphalie secondaire

Cette vignette clinique illustre un cas de syndrome d’hyperperfusion cérébrale (SHC). Le SHC survient après une procédure de revascularisation cérébrale, classiquement une endarctérectomie carotidiene ou une angioplastie/stenting carotidienne. Les manifestations cliniques du SHC sont caractérisées par des céphalées ipsilatérales, une élévation de la tension artérielle, des déficits neurologiques focaux et des convulsions. L’hyperperfusion est définie comme une augmentation de 100% du débit sanguin cérébral par rapport aux données initiales et peut être démontrée à l’aide du doppler transcrânien ou par imagerie de perfusion cérébrale. Le SHC est une urgence neurologique : si non traité promptement et adéquatement, il peut causer des séquelles majeures par œdème cérébral et/ou hémorragie cérébrale et même être fatal. Le SHC peut se développer immédiatement après la procédure de revascularisation ou encore jusqu’à un délai d’un mois après celle-ci. L’incidence du SHC après une endarctérectomie carotidienne se situe entre 0 % à 3%. Les principaux facteurs de risque identifiés sont : sténose très sévère, HTA post-opératoire, sténose contralatérale sévère, infarctus cérébral récent et revascularisation carotidienne contralatérale récente. Le mécanisme physiopathologique exact du SHC est inconnu mais est en lien avec une perturbation de l’autorégulation cérébrale conduisant à une augmentation du débit sanguin cérébral avec altération de la barrière hémato-encéphalique. La pierre angulaire du traitement consiste au contrôle strict et rapide de la tension artérielle afin de limiter l’augmentation de la perfusion cérébrale. Pour ce faire, il est recommandé d’utiliser des agents non vasodilatateurs tels le labétalol et la clonidine.

Références

  1. Van Mook WNKA et al. Cerebral hyperperfusion syndrome. Lancet neurol 2005 :4 :877-88.
  2. Wu TD et al. Neurological complications of carotid revascularisation. JNNP 2012 :83 :543-50.
  3. Rafiq MK et al. Cerebral hyperperfusion syndrome. Pract Neurol 2014 :14;64-66.