Savoir reconnaître le petit tonnerre avant l’éclair

Le scan démontre une embolie pulmonaire massive dans l'artère pulmonaire droite
Le scan démontre une embolie pulmonaire massive dans l’artère pulmonaire droite

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Le scan démontre une embolie pulmonaire massive dans l'artère pulmonaire droite
Le scan démontre une embolie pulmonaire massive dans l’artère pulmonaire droite
Le scan démontre une embolie pulmonaire massive dans l'artère pulmonaire droite
Le scan démontre une embolie pulmonaire massive dans l’artère pulmonaire droite

25 avril 2015

Savoir reconnaître le petit tonnerre avant l’éclair

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Patient de 60 ans qui est hospitalisé depuis 2 semaines pour un AVC. Il entame sa convalescence.
Il décrit à son infirmière des douleurs sévères et une faiblesse marquée de son membre inférieur gauche depuis 1 heure.
Il décrit aussi des douleurs thoraciques, irradiant à son bras gauche.
À l’examen, le rythme cardiaque est régulier. Sa pression artérielle est à 180/90 et est équivalente aux deux bras. Les pouls du membre inférieur gauche (MIG), incluant le pouls fémoral sont absents, alors que les pouls des membres supérieurs et du membre inférieur droit sont normaux. La jambe et le pied gauches sont pâles. L’atteinte motrice et sensitive du MIG est sévère.

1) Quel est votre diagnostic différentiel ?

Il y a clairement une ischémie du membre inférieur gauche. L’atteinte neurologique motrice et sensitive témoigne d’une ischémie aigue qui est sévère. La cause de cette ischémie est moins évidente:

  • Est-ce une embolie ? Possible chez un patient avec un AVC récent mais il n’y a pas de notion de fibrillation auriculaire et le rythme cardiaque est régulier. Comment expliquer les douleurs thoraciques associées ? L’ECG ne montre pas de changements suggérant une ischémie myocardique.
  • La dissection aortique peut causer des douleurs thoraciques et une ischémie d’un membre.
  • Une thrombophlébite profonde causant une embolie pulmonaire et une embolie paradoxale au membre inférieur gauche pourrait aussi expliquer le tableau clinique.
  • Mais ici, la réponse est tout autre. Il s’agit d’un cas floride de thrombocytopénie à l’héparine chez un patient qui recevait une thromboprophylaxie avec héparine non fractionnée s/c bid. Ce diagnostic cause un état d’hypercoagulabilité expliquant l’embolie pulmonaire et l’ischémie aigue du MIG. Les plaquettes qui étaient à l’admission à 500 000, étaient à 140 000 la veille. C’est une chute de plus de 50% qui même dans un ciel clair peut mettre la puce à l’oreille du MD. Le jour de l’éclair, les plaquettes étaient à 45 000.

2) Quelle serait votre conduite ?

Étant donné la sévérité de l’ischémie, une consultation urgente est faite en chirurgie vasculaire. Un pontage fémoral-fémoral est immédiatement fait. Étant donné les douleurs thoraciques, un scan est aussi fait. La thrombocytopénie sévère et les trouvailles au scan thoracoabdominal suggèrent fortement le diagnostic de thrombocytopénie à l’héparine. Le scan démontre bien l’ampleur de l’état d’hypercoagulabilité avec une atteinte sévère de plusieurs organes. Toutes les formes d’héparine seront cessées et un anticoagulant sera débuté, dans ce cas-ci de l’argatroban. Le patient fut réopéré pour retirer le thrombus au niveau mésentérique et rénal mais décédera quelques jours plus tard.

3) Y a-t-il des mesures préventives pour éviter une évolution aussi maligne ?

Les façons d’éviter une évolution aussi maligne sont de reconnaître précocement le diagnostic, idéalement avant même l’apparition de symptômes ischémiques. Ceci en étant à l’affut de ce diagnostic et en surveillant le décompte plaquettaire de façon régulière chez tout patient en contact avec une forme d’héparine. Ceci permettra de cesser l’héparinothérapie et d’utiliser un autre anticoagulant avant l’apparition des complications ischémiques. D’autres méthodes préventives consistent à utiliser de façon judicieuse l’héparinothérapie, en particulier non fractionnée, en utilisant d’autres anticoagulants pour les patients nécessitant une anticoagulation prolongée.

Le scan démontre une embolie pulmonaire massive dans l'artère pulmonaire droite
Figure 1: Le scan démontre une embolie pulmonaire massive dans l’artère pulmonaire droite
Figure 2: On note aussi du thrombus dans l'artère mésentérique supérieure et dans l'aorte. L'autre flèche plus courte démontre un infarctus splénique.
Figure 2: On note aussi du thrombus dans l’artère mésentérique supérieure et dans l’aorte. L’autre flèche plus courte démontre un infarctus splénique.
Figure 3: Thrombose de l'artère rénale droite avec thrombus aortique.
Figure 3: Thrombose de l’artère rénale droite avec thrombus aortique.
Figure 4: Le pontage fémoro-fémoral perméable.
Figure 4: Le pontage fémoro-fémoral perméable.