On se croirait en 1534

26 avril 2015

On se croirait en 1534

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Un homme de 50 ans se présente à l’urgence pour des lésions évolutives et des douleurs aux membres inférieurs depuis un mois. Comme antécédent, ce patient a un alcoolisme chronique et un tabagisme actif. Il avoue avoir déjà pris des drogues intraveineuses dans le passé, mais pas depuis plus de 10 ans. Il ne prend aucune médication sur une base régulière. Il présente des lésions purpuriques hémorragiques aux membres inférieurs uniquement (Figures 1, 2 et 3). Le reste de l’examen physique est sans particularité. Le patient n’est pas toxique et semble en bon état général.

Figure 1
Figure 1
Figure 2
Figure 2
Figure 3
Figure 3

Les laboratoires de bases nous démontrent une FSC, un coagulogramme, un bilan hépatique et un bilan rénal normal. Le RX pulmonaire et l’analyse d’urine sont également normaux.

Question #1:
À l’heure actuelle, quel est votre diagnostic différentiel?

  • Une vasculite leucocytoclasique dont l’étiologie reste à préciser.
  • Une vasculite reliée à une hépatite B ou C
  • Une vasculite systémique (Wegener) ou paranéoplasique
  • Dans le contexte d’une FSC normale, le PTI semblait improbable.

Le questionnaire se poursuit…

Le patient ne rapporte aucune utilisation de médicaments en vente libre ou produits naturels. Aucun voyage. Aucun symptôme tel que perte de poids, diaphorèse nocturne et température. Il ne rapporte qu’une sensation de malaise musculaire vague. Aucun symptôme pulmonaire, digestif ou urinaire. Aucune arthralgie ou arthrite. Il nous avoue cependant être probablement atteint de l’hépatite C (la Croix-Rouge l’aurait appelé il y a dix ans pour lui dire de faire des tests qu’il n’a jamais fait!).

Question #2:
Quelles sont vos principales investigations?

  • Au niveau radiologique, le scan thoraco-abdo-pelvien ne révèle aucune anomalie
  • Au niveau des laboratoires, nous avons confirmé que ce patient est atteint de l’hépatite C, mais les cryoglobulines sont négatives ce qui rend moins probable la vasculite associée à l’hépatite C
  • Les ANA et ANCA sont négatifs.
  • Vitamine B12 et bilan de fer normal; folate légèrement abaissé.
  • Finalement la biopsie cutanée démontre un peu d’hémorragie périfolliculaire (Figures 4 et 5)
Figure 4
Figure 4
Figure 5
Figure 5

Question #3:
Quel est le diagnostic, comment le prouver et comment le traiter?

Une hémorragie périfolliculaire est compatible avec un scorbut.

Le scorbut est un déficit en vitamine C. La vitamine C est une vitamine soluble dans l’eau. Les réserves ne sont donc que de 2 à 3 mois. En Amérique du nord, cette carence se retrouve principalement chez les alcooliques, les personnes âgées qui n’auraient pas une alimentation variée et chez les enfants qui boivent beaucoup de lait et mangent peu de fruits et légumes.

La vitamine C se retrouve dans les agrumes, les tomates, les patates, les petits fruits et dans certains légumes (brocoli, choux de Bruxelles …)

Le dosage de la vitamine C doit se faire à jeun (12 hrs)

Le remplacement est de 500 à 1000 mg par jour pour 1 semaine et 500 mg par jour pour 1 mois en cas de déficit chez un adulte.

Pour notre patient, en quelques jours, les lésions se sont améliorées de 50% et les symptômes non spécifiques qu’il présentait de malaise vague ont disparu après 24 hrs. Il ne s’est malheureusement pas présenté à son rendez-vous de contrôle en clinique externe…