Un pied douloureux… la pointe de l’iceberg

1 mai 2015

Un pied douloureux… la pointe de l’iceberg

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Il s’agit d’un patient 82 ans vivant seul, ayant comme ATCD pertinent pontage aorto-bi-iliaque il y a plus de 10 ans pour cure AAA. Il est retrouvé par son frère chez lui inconscient gisant sur le plancher. À son arrivée à l’urgence on note un patient confus et toxique. Son frère rapporte que le patient se plaignait se douleur au pied droit depuis quelques semaines.

À l’examen on note une phlyctène sur la face dorsale du pied et un œdème de la jambe gauche plus important qu’à droite.

Un scan des membres inférieurs (Figures 1 – 5) montre de l’oedème des 2 MI mais plus important face interne de la jambe+cuisse gauche, mais sans collection ni air dans les tissus mous. Un gram fait sur le liquide aspiré de la phlyctène du pied gauche revient positif pour présence de cocci en chaîne….

Figure 1
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Figure 2
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Figure 3
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Figure 4
Figure 4
Figure 5
Figure 5

Quel est votre diagnostic?

Il s’agit vraisemblablement d’une fasciite nécrosante à streptocoque du groupe A (bactérie mangeuse de chair). Dans les quelques heures qui suivent le patient développe une phlyctène hémorragique face interne de la cuisse gauche et son état septique s’aggrave. Il est amené en salle d’opération par le chirurgien de garde pour exploration et débridement. Per-opératoire on note en effet une atteinte des tissus et fascia du pied de la jambe et de la cuisse. Un débridement extensif est fait avec réexploration pour changement de pansement et rédébridement 2 jours plus tard. Dans les jours suivants l’état du patient demeure critique, mais l’infection est contrôlée.

On nous demande en consultation une semaine plus tard pour évaluer la viabilité du membre inférieur gauche (Figures 6 – 8).

Figure 6
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Figure 7
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Figure 8
Figure 8

Quel est votre traitement?

À cause du délabrement important, le pied et la jambe ne sont pas récupérables, mais la cuisse peut être préservée. Une amputation sus-condylienne gauche est donc pratiquée en utilisant le lambeau cutané postérieur de la jambe pour recouvrir la cuisse et une greffe cutanée libre est tentée face interne de la cuisse avec de la peau restante (Figures 9-10).

Figure 9
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Figure 10
Figure 10

En postopératoire la greffe libre n’a pas prise, mais le lambeau est demeuré viable. Le patient a bien récupéré par la suite et le moignon guérit adéquatement comme en témoignent les photos prises en PO # 34 (Figure 11) et PO # 77 (Figures 12 – 13).

Figure 11
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Figure 12
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Figure 13
Figure 13

La fasciite nécrosante est une infection des tissus mous rare mais grave et souvent mortelle, elle se caractérise par une nécrose rapide et progressive de la peau, de la graisse sous-cutanée et du fascia superficiel. Les facteurs prédisposant sont la cigarette, le diabète, l’emploi de drogues intraveineuses de même que les maladies vasculaires périphériques mais on la retrouve aussi chez des personnes en bonne santé. La fasciite nécrosante peut survenir suite à une chirurgie, un trauma mineur, une abrasion cutanée ou même sur une peau d’apparence saine. La pathogenèse exacte de la maladie n’est pas connue mais elle serait le résultat de la synergie entre différentes bactéries où les streptocoques alpha et bêta-hémolytiques auraient un grand rôle à jouer.

Du succès du traitement dépend le diagnostique précoce, le débridement chirurgical extensif, l’emploi d’antibiotiques à larges spectres et un remplacement liquidien adéquat. La chambre hyperbare semble vouloir jouer un rôle de plus en plus important comme traitement adjuvant de la fasciite nécrosante.