Madame MD, un cas difficile

26 avril 2015

Madame MD, un cas difficile

43

Dame âgée de 66 ans

Antécédents médicaux

  • HTA
  • Hypercholestérolémie
  • 2006 mai : Hospitalisée pour thrombose veineuse profonde proximale membre inférieur gauche et embolie pulmonaire. Ptt allongé (68 sec ) , RIN 1.28 avant le début de l’héparine. Durant l’hospitalisation développe une thrombopénie significative (moins de 50 000). Stéroïdes 1 mg/kg reçus. Filtre dans la veine cave installée puis retiré à la normalisation des plaquettes. Syndrome antiphospholipides suspecté. Congé avec Coumadin, RIN visé 2-3
Figure 1: Labos de madame MD
Figure 1: Labos de madame MD
Figure 2, CT scan thoracique 2006
Figure 2: CT scan thoracique 2006

Histoire de la maladie actuelle

14 janvier 2009
Consulte à l’urgence pour brulement mictionnel, dysurie. Culture urine positive. Diagnostic : infection urinaire basse.

17 janvier 2009
Consulte pour une douleur cervicale gauche ainsi qu’une sensation de cordon cervical gauche. Aucun symptômes ORL ou pulmonaire. Présente douleur loge rénale gauche sans symptômes urinaires bas. Pas de température.

Médicaments de la patiente à l’admission

  • Coumadin pour RIN 2-3
  • Lipitor 20 mg po die
  • Altace 5 mg po die

Examen physique

  • Signes vitaux TA 132/88 RCR 84 saturation O2 96% RR 16
  • Tête et cou : Carotides normales, ORL normal
  • Cordon douloureux rouge trajet de la jugulaire externe gauche
  • Poumons : clairs
  • Cœur : souffle systolique éjectionnel 2/6 Bruits normaux
  • Punch rénal gauche : positif
  • Abdomen normal
  • Membres inférieurs normaux

Paracliniques

  • Laboratoires : RIN 2.6 à l’admission
  • Duplex : veine jugulaire externe gauche non compressible confirmé par le ct-scan cervical
  • Ct scan abdominal : hémorragie glande surrénale gauche

Voir Figure 1 et Figure 3

Figure 3: CT scan thoracique 2009
Figure 3: CT scan thoracique 2009

Traitement

Les antivitamines k sont cessées , la tinzaparine 175 unités/kg s/c die est débutée.

18-20 janvier 2009
Diminution des plaquettes, quelques schistocytes, augmentation des LDH.

21 janvier 2009
Patiente se plaint d’une douleur loge rénale Droite nouvelle, aigüe
Ct-scan démontre hémorragies surrénaliennes bilatérales, droite nouvelle
Voir Figure 1 et Figure 4

Figure 4: CT scan abdominal 2009
Figure 4: CT scan abdominal 2009

Elle présente des céphalées nouvelles avec nausées, incapacitantes
Ct-scan cérébral normal.
Résonnance magnétique cérébrale démontre du thrombus dans le sinus veineux transverse gauche.

Figure 5: RMN cérébrale 2009
Figure 5: RMN cérébrale 2009

Le reste du bilan autoimmun, vasculitique, thrombopénie induite par l’héparine est négatif.

Donc,

  • Thrombose de novo de la jugulaire externe gauche malgré un RIN thérapeutique (fiabilité douteuse toutefois dans certains cas de SAPL)
  • Hémorragies surrénaliennes bilatérales (thromboses sous-jacentes suspectées)
  • Thrombose du sinus cérébral transverse malgré tinzaparine dose thérapeutique
  • Anomalies de laboratoire suggérant hémolyse et microangiopathie thrombotique

La patiente mise sous stéroïdes haute dose, gammaglobulines et transférée en centre tertiaire pour des plasmaphérèses.

Notre diagnostic était celui d’un syndrome des antiphospholipides primaire catastrophique probable (pas de matériel pathologique) précipité par une infection urinaire.

A ce jour, la patiente a bien évolué. Elle est toujours sous tinzaparine. Elle reçoit cortef pour son insuffisance surrénalienne persistante . Récemment toutefois, elle est en investigation pour une possible démence vasculaire.

Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est un syndrome clinico-pathologique. Les thromboses artérielles, veineuses, les pertes fœtales précoces ou tardives ainsi que certaines complications obstétricales en sont les critères cliniques. La présence d’un anticorps antiphospholipides à deux reprises à au moins 12 semaines d’intervalle et moins de 5 ans (Critères du SAPL révisés, Journal of Thrombosis and Haemostasis 2006).

Le SAPL catastrophique est souvent fatal (CAPS : catastrophic antiphospholipids syndrom) . Des critères malgré sa rareté ont été proposés soit : 1- Présence d’un SAPL ou d’un antiphospholipide 2- Développement de thromboses dans 3 sites en moins d’une semaine 3- Matériel pathologique confirmant les microthrombis 4- Exclusion d’autres causes.

Le traitement du CAPS est peu étudié. Le traitement de la cause est primordial (eg infection). Une combinaison anticoagulant- stéroïdes- plasmaphérèses semble la meilleure option (cf uptodate).